Pouvez-vous vous présenter ?
Oui, on peut… Ah, il faut en dire plus? Bon, nous sommes un couple nantais avec une vie très ordinaire avec quelques hobbies, dont le plus bizarre est certainement la création de jeux de société. Nous avons débuté en 2007 et continuons régulièrement à explorer de nouvelles idées.
En quoi consiste votre travail ?
Houlà, ce n’est pas vraiment notre travail. Nous n’avons à ce jour signé qu’un seul jeu et ne sommes pas encore près à lâcher nos boulots respectifs pour autant.
Notre activité d’auteurs de jeu consiste à trouver des idées (et là, ça ne se décide pas), à les mettre en forme, tester, trouver ça nul, refaire, re-tester, trouver ça mieux, refaire, trouver ça encore mieux, etc. Puis une fois qu’on pense tenir un concept sympathique et original, trouver des victimes, pardon des testeurs, pour vérifier que notre jeu ne plait pas qu’à ses auteurs. Refaire. Ajuster. Etendre le cercle des testeurs à des gens qui ne connaissent pas. Et enfin, aller tourmenter des éditeurs pour les convaincre que le jeu est bien meilleur que les 150 autres qu’ils ont reçu ce mois-ci.
Ce n’est pas notre métier. Il y a de longues périodes où nous ne faisons rien. Il peut nous arriver d’avoir les idées durant les vacances ou au moment de s’endormir (et là, bonjour pour trouver le sommeil!), sous la douche ou au boulot…
Comment en êtes-vous arrivé là ?
On était joueurs dans notre jeunesse et lorsqu’on a emménagé ensemble les jeux sont arrivés très vite. Vers 2006 Philippe a eu l’idée de créer des cartes à collectionner avec les photos des soirées des vieux copains (le but était que les copains éloignés se retrouvent pour échanger leurs cartes). Puis nous avons conçu ensemble un jeu de gestion basé sur le thème de la fête que nous destinions uniquement à nos amis. Plus on y jouait et plus on trouvait qu’il pourrait plaire bien au-delà de notre cercle de connaissance. Ainsi est né « petite fête entre amis » jeux « à l’allemande » mais avec plein d’humour second degré. Comme nous étions naïfs, plein d’entrain et impatients, nous avons lancé le jeu nous-même en micro-édition artisanale avec la complicité de quelques boutiques. Dès la finalisation du jeu nous avons profité d’un premier congé maternité pour inventer le second, « les naufragés de Figalaga« …
Pouvez-vous nous décrire votre journée type ?
Il n’y en a pas. L’inspiration vient ou ne vient pas. Une journée type peut être d’avoir plein d’idées et d’avoir hâte de rentrer à la maison pour expérimenter ça… avant de se rendre compte que ça ne marche pas. Et puis un jour, par hasard, avoir une idée qui finit par aboutir… après un long temps d’essais. Et là c’est génial.
Qu’est ce que vous aimez le plus dans votre métier ?
C’est de concevoir les jeux à deux. C’est constructif. Souvent on démonte les idées de l’autre mais il arrive un moment où on entre en phase, les idées répondent aux idées et les problèmes se débloquent. Ce sont des moments rares mais très précieux. C’est l’avantage de travailler en couple, on peut discuter franchement.
Et puis, une fois les jeux édités, le grand plaisir est de les voir voyager dans le monde entier, de lire des avis écrits au Canada ou en Australie. On voyage depuis chez nous.
Et ce que vous aimez le moins ?
La phase pour laquelle on est le moins doués et qui est la plus importante : la recherche d’éditeur. Comme tous les auteurs on pense avoir le meilleur jeu du monde mais il faut convaincre. On sort un peu de notre bulle de créatifs et on se confronte à la réalité : on n’est pas tout seuls et on n’est pas forcément attendus. C’est clairement dur de passer de la sphère du hobby à la sphère professionnelle. Mais c’est le jeu…
Déjà de ne pas débuter avec l’idée d’en faire spécialement un métier. Ils peuvent faire éditer 50 jeux et ne pas en vivre ou avoir un coup de bol et cartonner sur un seul jeu. Comme tous les biens culturels, c’est un peu incertain.
Voici sinon des conseils passe-partout, pas originaux et que vous trouverez partout : faites un jeu qui vous plait, le truc que vous aimeriez acheter mais qui n’existe pas vraiment. Pour être sûr qu’il n’existe pas faites-vous une culture ludique en jouant et en consultant les sites spécialisés. Entourez vous de joueurs qui sauront vous conseiller, tester vos prototypes et apporteront aussi leurs culture ludique…
Mais ne les écoutez pas trop non plus. Beaucoup de passionnés ont souvent des idées très arrêtées et privilégient la « beauté de la mécanique » par rapport au ressenti. Or, c’est la sensation qui compte autour d’un jeu de société. Faites donc aussi jouer des joueurs moins experts.
Comment vous est venue l’idée ?
Galèrapagos est un jeu de survie où les joueurs (de 3 à 12) sont des naufragés échoués sur une île. Ils doivent survivre et construire un radeau pour embarquer mais il n’y aura pas forcément de la place pour tout le monde. C’est un jeu coopératif… mais pas trop. Coopératif car les ressources et le radeau sont collectifs et on ne peut pas décider de partir si tout le monde n’a pas sa place. Mais les pénuries et la menace d’un ouragan font qu’il y aura parfois des choix douloureux (ou pas) à faire et qu’il faudra dans certains cas désigner d’office des volontaires pour rester sur le sable. Toutes sortes d’objets plus ou moins utiles pourront aider lors de cette aventure.
Nous sommes partis du thème et non de la mécanique. L’envie d’un jeu avec des naufragés sur une île est venu au cours d’une marche sous le soleil estival. Très vite nous avons listé les grands traits d’une survie insulaire : eau, nourriture, radeau et quelques objets échoués de-ci, de-la. Littérature et cinéma ont bien aidé pour le thème.A ce moment là nous savions déjà que nous voulions un jeu drôle (comme le précédent) mais bien plus court et plus simple.
Nous avons donc fabriqué artisanalement « les naufragés de Figalaga ». Les boutiques (principalement dans l’Ouest… et à Grenoble) ont été formidables. Ils ont accepté de vendre ce jeu sorti de nulle part et fabriqué en partie avec des éléments de récupération (les tubes pour l’emballage servaient au transport des affiches de cinéma, les premiers bouchons étaient réalisés avec des couvercles de boite à fromage,…). Et le jeu a été bien accueilli : 600 exemplaires vendus, donc autant de fabriqués dans notre garage.
Le plus fort dans l’histoire est que le seul jeu que nous ayons signé à ce jour nous ne l’avons pas présenté par nous même. Il a été repéré par Gigamic via Adrien qui travaillait dans une boutique nantaise avant d’être embauché par l’éditeur.
La décision finale a pris ensuite un peu de temps mais ça valait le coup. Le matériel est particulièrement soigné et les illustrations de Jonathan Aucomte collent parfaitement au thème et à l’ambiance. Gigamic a bien soigné nos naufragés.
Avec Gigamic nous avons commencé à travailler sur des idées d’extension. Rien n’est définitif toutefois.
Il y a plusieurs volets pour ce projet. D’abord, de nouveaux objets pour de nouveaux usages et aussi peut être des personnages à incarner. Cela doit être léger, le principe de base du jeu étant de pouvoir faire ce que l’on veut. Ces personnages apporteraient de légères contraintes ou avantages.
Enfin nous pensons à une petite composante gestion qui devrait apporter plus de choix et renouveler encore plus les parties.
Avez-vous d’autres projets à venir ?
Nous ne sommes pas des auteurs prolifiques mais nous avons actuellement 6 jeux finalisés ou presque en plus de Galèrapagos. Ils sont tous très différents : quelques jeux abstraits et d’autres plus thématiques. Certains sont encore à retravailler, comme « Business Time » jeu sur le thème du voyage dans le temps qui a été primé au Festival Ludique de Parthenay en 2015 ; son thème et sa mécanique plaisent beaucoup mais il reste bien des choses à épurer. Pour tous ces jeux nous partirons ensuite à la recherche d’éditeurs.
Merci à Philippe et Laurence Gamelin d’avoir répondu à nos questions ! Si vous êtes curieux de découvrir Galèrapagos ou simplement de rencontrer des auteurs, nous vous invitons à vérifier les festivals autour de vous, l’été est propice aux rencontres et il est fort probable que vous les y croisiez !